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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 18:58

 

 

 

 

Devi_yogini.jpg

 

   Gisèle, 96 ans au service de sa conscience. 96 ans de lutte, de sacrifice, de douleur et aussi d’une étonnante sérénité au regard des épreuves de sa vie. Née au début du siècle dernier, Gisèle faisait partie de ces rares personnes à avoir fait très tôt un choix qui semble de plus en plus difficile aux jeunes générations : faire toujours de son mieux. Faire toujours de son mieux, selon Gisèle, cela consistait à faire son devoir le mieux possible, afin de nuire le moins possible à elle-même et à son entourage. C’est pourquoi Gisèle n’a pas hésité à renoncer à une carrière de pianiste prometteuse pour rester auprès de ses parents. C’est aussi pourquoi elle s’est engagée corps et âme dans la Résistance, prenant régulièrement de très grands risques afin de secourir tous ceux qui l’entouraient et d’accomplir son devoir, même au péril de sa vie. Et c’est également la raison pour laquelle cette femme qui avait perdu son fiancé dans des circonstances tragiques a su faire preuve d’une dignité forçant au respect quand celui à qui elle avait fini par accorder sa main l’humiliait de la pire des façons, la laissant dans la plus grande misère pour élever sa fille et prendre soin de sa mère. Un sens du devoir si poussé qu’elle accorda son pardon  à cet homme que nombre de femmes se seraient fait une joie de démolir, afin d’assurer un avenir meilleur à sa fille. Des deuils successifs, une santé fragile et certainement une très grande lassitude du monde plongèrent Gisèle dans l’horreur de la maladie, la coupant peu à peu des siens et de moi-même. Gisèle ne s’est jamais vantée. Elle n’a jamais mis en avant sa générosité sans faille et les innombrables bienfaits dont elle inonda son entourage au cours de sa vie. Au bout du compte, je l’ai peu connue. Mais son histoire et son exemple ont aujourd’hui un écho tout particulier dans mon esprit…

 

« Maintenant, vous comprenez ce que signifie le Karma-Yoga : même au péril de sa vie, aider n’importe qui, sans poser de question. Laissez-vous abuser des millions de fois et ne posez jamais de questions ; ne pensez jamais à ce que vous faites. Ne vous vantez jamais de ce que vous donnez aux pauvres et ne vous attendez jamais à ce qu’ils vous en soient reconnaissants. C’est plutôt vous qui devez leur être reconnaissants de l’occasion qu’ils vous fournissent de pratiquer la charité envers eux. Nous voyons donc qu’il est évidemment beaucoup plus difficile de réaliser le chef de famille idéal que de réaliser le sannyâsin ; la véritable vie de travail est bien aussi difficile, sinon davantag , que la vie – véritable aussi – de renonciation. » -Swâmi Vivekânanda, Les Yogas Pratiques, p.54.

 

  Je suis profondément « bordélique ». J’ai une sainte horreur des tâches matérielles que je considère comme étant une perte de temps et d’énergie. Temps et énergie que j’ai toujours préféré consacrer à des activité intellectuelles ou spirituelles, les croyant bien plus honorables et enrichissantes que de faire la vaisselle, éplucher des légumes ou aspirer les tapis. Cet attrait pour les activités non salissantes m’a toujours été très utile pour flatter mon égo et justifier ma paresse. Combien de fois je me suis sentie bien supérieure avec mes livres, mes discussions et mes centres d’intérêt à tous ceux qui n’ont que peu ou pas d’éducation et passent leurs journées les mains dans la pâte et la poussière. J’étais persuadée, par exemple, qu’il était impossible de s’épanouir totalement en étant femme au foyer ou ouvrier à l’usine parce que ces activités empêchent ceux qui les pratiquent de cultiver leur esprit et de discipliner leur âme. Pourtant à chaque fois que mon esprit égoïste et arrogant émettait de telles pensées, une petite voix intérieure me rappelait à l’ordre, me remémorant ces fables égyptiennes où le plus pauvre et le moins instruit à souvent plus de cœur, de courage et de morale que le prince ou le prêtre. Après tout, je n’ai jamais ressenti du mépris pour les personnes effectuant des tâches manuelles. Ces personnes-là sont bien plus nécessaires au bon fonctionnement de nos sociétés que les intellectuels qui discutent d’abstractions autour d’une tasse de café. Ayant moi-même exercé pour de courtes périodes des travaux ménager et agricoles, je sais comment sont perçus ces travailleurs par nos élites. Et l’éducation que j’ai reçue m’a toujours appris à témoigner le même respect à la femme de ménage, la paysan ou la mère au foyer qu’au professeur, à l’écrivain ou au religieux. Néanmoins, je ne parvenais pas à ôter cette idée de mon esprit selon laquelle ce genre de tâche devrait être considéré comme une punition pour qui doit l’accomplir, puisque seules les activités intellectuelles et spirituelles pouvaient mener les hommes sur le chemin de leur libération intérieure.

De même, le devoir, tel qu’il avait été pratiqué par ma grand-mère me paraissait être plus une prison qu’un moyen de s’épanouir. Pour moi, cette femme si respectable avait été victime de la vie, de l’époque et de la société. Elle n’avait jamais pu être épanouie, ni même heureuse, parce qu’elle ne se l’était jamais permis. Elle s’était oubliée afin de satisfaire les autres et n’avait donc pas vécu comme elle l’aurait mérité. L’idée qu’elle avait renoncé à sa carrière pour s’occuper de ses parents m’était insupportable. Qu’une si grande dame n’ait pas pu exercer son art pour son plus grand plaisir et celui des autres me semblait être une injustice répugnante. Au lieu de cela, Gisèle n’avait pas pu s’instruire autant qu’elle l’aurait sans doute voulu ni s’engager dans une voie spirituelle la guidant vers la paix intérieure. Je savais qu’à sa place, je me serais probablement suicider ou alors je m’en serais prise très violemment aux autres et j’aurais transgressé les interdits sociaux et familiaux afin de me réaliser pleinement. Et pourtant Gisèle  en dépit de ses douleurs et ses nombreux renoncements, ne se plaignait pas, pas même quand son corps la faisait souffrir. Elle avait fait son devoir du mieux possible sa vie durant et n’en tirait aucune gloire. Simplement de la sérénité.

 

« Le seul moyen de progresser consiste à exécuter le devoir qui est le plus près de nous, et ainsi de suite, en accroissant notre force, jusqu’à ce que nous parvenions à l’état le plus élevé. Un jeune sannyâsin s’était retiré dans la forêt où il avait longtemps médité, adoré et pratiqué le yoga. Après des années d’exercices et de dur labeur, un jour qu’il était assis sous un arbre, quelques feuilles mortes tombèrent sur sa tête. Il leva les yeux et vit un corbeau et une grue qui se battaient au sommet de l’arbre. Il en fut fort irrité et s’écria : « Quoi ! Vous osez jeter des feuilles mortes sur ma tête ! » Comme en disant ces mots il lançait un regard plein de colère, un trait de feu jaillit de sa tête (tel était le pouvoir que le yogin avait acquis) et réduisit en cendres les deux oiseaux. Il éprouva du plaisir, presque une joie débordante, à constater les pouvoirs qu’il possédait : d’un regard il avait pu brûler le corbeau et la grue ! Un peu plus tard il dut aller à la ville pour mendier son pain. Il y alla, s’arrêta devant une porte et dit : « Mère, donne-moi à manger. » De l’intérieur de la maison sortit une voix : « Attends un instant, mon fils. – Maudite femme, pensa le jeune homme, comment oses-tu me faire attendre ? Tu ne connais pas encore mon pouvoir ! » Pendant qu’il avait ces pensées, la voix se fit entendre de nouveau : « Mon garçon, ne pense pas trop à toi-même, il n’y a ici ni corbeau ni grue. » Il fut stupéfait et dut continuer d’attendre. Lorsque, finalement, la femme sortit de chez elle, il se prosterna devant elle et lui demanda : « Mère, comment savais-tu cela ? – Mon garçon, répondit-elle, je ne connais ni ton yoga ni tes pratiques. Je suis une femme très ordinaire. Je t’ai fait attendre parce que mon mari est malade et que je le soignais. Pendant toute ma vie, je me suis efforcée de faire mon devoir. Avant de me marier, je faisais mon devoir envers mes parents ; maintenant que je suis mariée, je l’accomplis envers mon mari ; c’est là tout mon yoga. Mais en remplissant ainsi mon devoir, j’ai reçu l’illumination ; c’est ainsi que j’ai pu lire dans ta pensée et savoir ce que tu avais fait dans la forêt. Si tu veux apprendre quelques chose de plus élevé que ceci, va au marché de telle ville ; tu y trouveras un vyâdha (la caste la plus basse de l’Inde ; les vyâdhas étaient des chasseurs et des bouchers) qui t’enseignera quelque chose que tu seras très heureux de savoir – Pourquoi irais-je dans cette ville-là, pensa la sannyâsin, et pourquoi irais-je chercher un vyâdha ? » Mais après ce qu’il avait vu, son esprit s’était quelque peu ouvert, et il fit ce que la femme lui avait conseillé. Lorsqu’il arriva près de cette ville, il trouva le marché et vit de loin un gros et gras vyâdha qui découpait des quartiers de viande avec de grands coutelats, qui parlait et marchandait avec différents acheteurs. Le jeune homme se dit : « Que le Seigneur me vienne en aide ! Est-ce de cet homme que je vais apprendre quelque chose ? C’est certainement l’incarnation d’un démon, pour le moins ! » Mais le vyâdha leva les yeux et lui dit : « Swâmi, est-ce cette femme qui t’a dit de venir me voir ? Assieds-toi en attendant que j’aie fini mon travail – Que m’arrive-t-il ? se demanda le sannyâsin. Il s’assit et le boucher continuer son travail. Quand tout fut terminé, celui-ci ramassa son argent et dit au sannyâsin : « Viens, Seigneur, viens chez moi. » Lorsqu’ils furent arrivés, le vyâdha lui donna un siège, lui demande de l’attendre et entra dans la maison. Il fit la toilette de son vieux père et de sa vieille mère, leur donna leur repas, et fit tout ce qu’il put pour leur être agréable ; après quoi il revint vers le sannyâsin et lui dit : « Tu es venu me voir, Seigneur, que puis-je faire pour toi ? » Le sannyâsin lui posa quelques questions sur l’âme et sur Dieu, et le vyâdha lui fit ce discours qui se trouve dans le Mahâbhârata, et qu’on appelle Vyâdha-Gîta. Ce discours contient l’une des plus belles envolées du Védânta. Lorsque le vyâdha s’arrêta de parler, le sannyâsin était stupéfait. « Pourquoi, lui dit-il, es-tu dans ce corps-là ? Avec la connaissance que tu possèdes, pourquoi es-tu dans un corps de vyâdha ? Pourquoi fais-tu ce travail affreux et dégoûtant ? – Mon fils, répondit le vyâdha, nul devoir n’est affreux, nul devoir n’est dégoûtant. Ma naissance m’a placé dans ces circonstances et dans ce milieu. Dans mon enfance j’appris ce métier ; je suis sans attachement et j’essaye de bien remplir mon devoir. J’essaye de faire mon devoir comme chef de famille, et j’essaye de faire tout mon possible pour rendre heureux mon père et ma mère. Je ne connais pas ton yoga et je ne me suis pas fait sannyâsin ; je n’ai pas non plus abandonné le monde pour me retirer dans la forêt. Néanmoins, tout ce que tu as vu, tout ce que tu as entendu, m’est venu parce que j’ai exécuté sans attachement les devoirs qui sont ceux de mon métier […] Lorsque vous faites un travail quelconque, ne pensez à rien au-delà de ce travail. Faites-le comme si vous adoriez, comme si c’était l’adoration la plus noble, et consacrez-lui toute votre vie pendant le temps que vous le faites. Ainsi, dans l’histoire queje vous ai racontée, le vyâdha et la femme faisaient leur devoir avec joie, en s’y consacrant entièrement ; la conséquence en fut que tous deux reçurent l’illumination. Cela vous montre clairement que, lorsqu’on accomplit convenablement son devoir, quelle que soit la situation dans laquelle la vie nous ait placé, et qu’on ne s’attache pas aux résultats, on est conduit à la réalisation la plus haute de la perfection de l’âme […] Pour le travailleur sans attachement, tous les devoirs sont également sont également bons et forment des instruments suffisants pour écraser l’égoïsme et la sensualité et pour conquérir la liberté de l’âme. » -Ibid, p.61-64.

 

Il me semblait inconcevable que les tâches matérielles puissent apporter la moindre nourriture à l’âme et à l’esprit. Sauf si celles-ci étaient directement reliées au monde de la spiritualité et de la connaissance. Les activités quotidiennes me rattachaient à la matière et au cercle infernal de l’existence. Chasser la poussière en sachant qu’elle reviendra et qu’il faudra encore la chasser et cela est sans fin. Nettoyer  la vaisselle pour pouvoir la salir et la laver encore afin de la resalir. Faire pousser des légumes pour les manger pour en faire pousser d’autres. Passer des heures à concocter les plats les plus fins alors qu’ils seront engloutis en quelques minutes. Dépenser toute son énergie dans le nettoyage d’une pièce en sachant qu’on ne pourra profiter de sa propreté que quelques jours voir même quelques heures. Que pouvais-je bien retirer de telles activités si ce n’est la certitude qu’il me faudrait inlassablement les répéter ? Aucune satisfaction intellectuelle, seulement un gain temporaire et une lassitude me poussant à les accomplir le plus vite possible afin qu’elles me fassent perdre le moins de temps possible. Ainsi je bâclais toutes les tâches du quotidien et repoussais le moment de les accomplir autant que possible ou les confiais même aux autres, préférant chercher des nourritures plus élevées dans la lecture, la réflexion, et d’autres activités plus épanouissantes…

 

« Si vous faites de votre mieux, vous vivrez votre existence intensément […] Par exemple, la plupart des gens vont chaque jour au travail en ne pensant qu’au jour de paie et à l’argent que leur travail va leur rapporter. Ils attendant avec impatience le vendredi ou le samedi, selon le jour où ils sont payés et où ils peuvent prendre du temps pour eux. Ils ne travaillent que pour la récompense, et du coup, font de la résistance. Ils essayent d’éviter d’agir et, par conséquent, ne font pas de leur mieux. Ils travaillent dur toute la semaine, peinant à leur tâche, subissant leur activité, non parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils pensent y être obligés. Ils doivent travailler pour payer leur loyer et subvenir aux besoins de leur famille. Ils vivent donc avec toute cette frustration et, lorsqu’ils reçoivent enfin de l’argent, ils sont malheureux. Ils ont deux jours de repos pour faire ce qu’ils veulent, mais que font-ils ? Ils essaient de s’évader. Ils se saoulent parce qu’ils ne s’aiment pas. Ils n’aiment pas leur vie. On se fait du tort de multiples manières lorsqu’on n’aime pas qui l’on est. Inversement, si vous agissez simplement pour le plaisir d’agir, sans attendre de récompense, vous découvrirez que vous apprécierez tout ce que vous ferez. Vous en serez récompensé, mais vous ne serez plus attaché à la récompense. Si on aime ce qu’on fait, si on fait constamment de son mieux, alors on jouit pleinement de la vie. On s’amuse, on ne s’ennuie pas, on n’est pas frustrés.

Lorsque vous faites de votre mieux, vous ne laissez aucune chance à votre Juge de vous culpabiliser ou de vous critiquer. Si vous avez fait de votre mieux et qu’il essaie de vous juger selon le Livre de la Loi, vous savez quoi répondre : J’ai fait de mon mieux. Vous n’avez aucun regret. Voilà pourquoi on doit toujours agir pour le mieux. Ce n’est pas un accord facile à conclure et à respecter, mais il va vraiment vous libérer.

Lorsque vous faites de votre mieux, vous apprenez à vous accepter. En étant conscient, vous pouvez apprendre de vos erreurs. Cela signifie vous exercer, regarder honnêtement les résultats de vos actions et continuer de vous exercer.

Vous n’avez pas l’impression de travailler dur en faisant de votre mieux, parce que vous prenez plaisir  à ce que vous faites. Vous savez que vous agisez pour le mieux lorsque vous appréciez les activités auxquelles vous vous adonnez ou que vous les accomplissez de telle sorte qu’il n’en résulte aucune conséquence négative pour vous. Vous faites de votre mieux parce que vous le voulez, et non parce qu’il le faut, ni pour essayer de faire plaisir au Juge, ni à qui que ce soit d’autre.

Si vous entreprenez une action parce que vous le devez, il est impossible de l’effectuer au mieux. Alors autant ne pas la faire. Non, faites de votre mieux parce qu’agir ainsi vous rend heureux. Lorsque vous le faites simplement pour le seul plaisir que vous y trouvez, vous n’agissez que parce que vous aimez cela. » - Don Miguel Ruiz, Les Quatre Accords Toltèques, La voie de la liberté personnelle, p.77-79.

Je commets de grossières erreurs en permanence dans ma façon de penser et d’agir. Je hiérarchise les tâches et je les fais pour mon seul intérêt. Et lorsque je n’en vois aucun, je ne les fais pas ou bien de très mauvais gré. Il est stupide et naïf de penser qu’il n’y a qu’un nombre restreint de métiers et de situations qui puissent nous conduire à l’Eveil. En réalité, toutes les situations, toutes les activités, sont autant d’opportunités pour nous d’accomplir notre devoir. Le devoir le plus proche de nous est toujours les plus honorable. Ce n’est pas parce que je n’ai ni les compétences ni les épaules pour diriger un pays que je suis inférieure à un chef d’Etat. Un chef d’Etat n’est pas forcément capable de faire à manger ou de cueillir des groseilles. Cela n’en fait pas non plus un être méprisable. Chacun a une place qui lui est propre et des devoirs adaptés à sa situation et son évolution. Chaque minute de notre vie est une nouvelle occasion d’avancer de nous améliorer.

 

« Seuls les sots disent que le travail et la philosophie sont des choses différentes ; les savants ne le disent pas. Les savant s’aperçoivent que, malgré leurs différences apparentes, l’un et l’autre conduisent finalement au même but : la perfection humaine. » -Swâmi Vivekânanda, Les Yogas Pratiques, p.88.

 

Aimer ce que l’on fait, ne pas en demander plus, et être conscient de la chance et de la richesse de chaque situation dans laquelle nous place la vie. Aimer le bien. Etre en pleine conscience.

 

« Pour moi, l’idée selon laquelle faire la vaisselle est une corvée n’est juste que pour celui qui n’est pas en train de la faire. Lorsque vous êtes debout devant l’évier, les manches retroussées et les mains dans l’eau chaude, c’est vraiment très agréable. J’aime prendre le temps de laver chaque assiette, d’être pleinement conscient de chaque plat, de l’eau et du mouvement de mes mains. Je sais que si je me dépêche pour manger mon dessert plus vite, le temps passé à laver la vaisselle sera désagréable et ne vaudra pas la peine d’être vécu. Ce serait dommage car chaque minute, chaque petit bout de vie est un miracle. Les assiettes elles-mêmes et le fait que je suis ici en train de les laver est un miracle.

Si je suis incapable de laver la vaisselle dans la joie, si je veux finir plus vite pour pouvoir aller manger mon dessert, je ne profiterai pas de mon dessert non plus. La fourchette à la main, je penserai à ce que je vais faire ensuite. La texture et la saveur du dessert, tout comme le plaisir de la dégustation, tout sera perdu.

Chaque pensée, chaque action au soleil de la conscience devient sacrée. Dans cette lumière, aucune barrière n’existe entre le sacré et le profane. Je dois avouer que je mets un peu plus de temps à faire la vaisselle. Mais je vis pleinement chaque moment et je suis heureux. Laver la vaisselle est à la fois un moyen et une fin - c’est-à-dire qu’on ne lave pas seulement la vaisselle pour avoir des assiettes propres, mais aussi juste pour laver la vaisselle, pour vivre pleinement chaque instant où l’on lave la vaisselle. » - Thich Nhat Hanh, La Sérénité de l’Instant, Illuminer le quotidien et vivre le moment présent, p.41-42.


Combien de personnes comme ma grand-mère croisons-nous ou fréquentons-nous sans même nous en apercevoir ? Combien de femmes et d’hommes effectuent avec sérieux, gratitude et conscience ce que des esprits aveugles comme le mien nomment avec mépris des tâches ingrates ? Combien sont ces saints et ces saintes ordinaires, ces maîtres de yoga qui s’ignorent, qui travaillent au bien-être et à l’équilibre de nous tous dans la plus grande discrétion et la plus grande bienveillance ?

« Que nous dit le Karma-Yoga ? « Travaillez sans répit, mais renoncez à tout attachement à votre travail. Ne vous identifiez jamais à quoi que ce soit. Gardez l’esprit libre. Les douleurs et les malheurs, et tout ce que vous voyez, sont tout simplement des conditions nécessaires au monde ; la pauvreté, la richesse et le bonheur ne durent qu’un moment ; ils n’appartiennent nullement à notre nature réelle. Notre nature est bien au-delà du malheur et du bonheur, au-delà de tous les objets des sens, au-delà de l’imagination, et pourtant il nous faut continuer à travailler tout le temps. » Ce qui rend malheureux, c’est l’attachement et non pas le travail. Dès que nous nous identifions avec le travail que nous faisons, nous sommes malheureux ; mais si nous ne nous identifions pas avec ce travail, nous ne nous sentons pas malheureux. » - Swâmi Vivekânanda, Les Yoga Pratiques, p.95.


Gisèle n’était pas incroyante mais ne pratiquait pas de religion non plus, très jeune déçue par le Catholicisme. Pourtant, elle s’était forgée une religion sans dogme, sans doctrine, sans tabous mais avec pour seul principe de faire toujours de son mieux. L’essentiel pour elle était d’avoir « sa conscience pour soi ». Non, ma grand-mère ne lisait pas le sanskrit, ne connaissait pas l’Inde ni ses yogas, mais elle pratiquait avec une perfection rarement égalée le Karma-Yoga, et ce, sans jamais l’avoir su. Oui, ma grand-mère était une  yogini.

 

 

«  Le Karma-Yoga est la réalisation, par le travail sans égoïsme, de cette liberté qui est le but de toute nature humaine. Chaque action égoïste retarde par conséquent l’instant de notre arrivée au but, et chaque action altruiste nous rapproche du but ; c’est pourquoi la seule définition que l’on puisse de la morale est celle-ci : ce qui est égoïste est immoral, ce qui est altruiste est moral. » - ibid, p.107.

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commentaires

R
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G
La Vérité est tellement simple, si simple que nous passons encore et encore à côté...<br /> Encore un article qui embrase le coeur! Merci!
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D
Merci pour ce très bel hommage à ta grand-mère, ma mère!C'était un être rare.Un modèle à copier!Ton analyse est très intéressante.<br /> J'ai mis mon avis sur fb tout à l'heure.
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